L’agression sexuelle : Oser briser le tabou

Sergine Clermont et Sammantha Thom 07 octobre 2022 - 11 min
L’agression sexuelle : Oser briser le tabou

Selon le Gouvernement du Québec : « une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou, dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage. Il s’agit d’un acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. Une agression sexuelle porte atteinte aux droits fondamentaux, notamment à l’intégrité physique et psychologique et à la sécurité de la personne ».

Partant de ce fait, les actes sexuellement abusifs ne sont pas uniquement ceux qui impliquent un contact des zones génitales, mais ils prennent différentes « formes verbales et non verbales gestuelles, visuelles, exhibitionnistes, voyeuristes, masturbations manuelles, fellations…, jusqu’aux relations sexuelles complètes avec pénétration orale, anale ou vaginale » (Haesevoets, 1997) par une partie du corps ou un objet.

D’après l’OMS, « au cours de sa vie, une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle de la part d’un partenaire intime ou de violence sexuelle de la part de quelqu’un d’autre que son partenaire ». Non seulement ces statistiques font froid dans le dos, mais elles signifient aussi qu’au moins une femme que tu connais (une sœur, une amie, une cousine, une collègue, etc.) a déjà été victime d’une agression sexuelle. Il est d’ailleurs possible que tu aies toi-même subi un abus sexuel…

Comment donc expliquer qu’avec environ 736 millions de femmes victimes de violence physique ou sexuelle dans le monde, le sujet de l’agression sexuelle soit encore un tabou si persistant dans nos sociétés ? Eh bien, la honte et la culpabilité infligées aux victimes d’abus sexuel offrent sans aucun doute une piste de réflexion. Effectivement, et bien malheureusement, il arrive très souvent que la réponse à la confession d’une victime d’abus sexuel soit glacée, négative, mordante et accusatrice, voire méchante. Cela explique pourquoi très peu d’agressions sont rapportées aux autorités, et pourquoi de nombreuses femmes choisissent de vivre dans le silence.

Il est grand temps de redonner leur voix à toutes les victimes d’agression sexuelle et de briser une fois pour toutes ce lourd tabou qui les étrangle.

Déconstruisons la culture du viol

Bien que dans de nombreux pays l’agression sexuelle soit reconnue comme une infraction punissable ou un acte criminel passibles d’une lourde peine de prison, nos idées préconçues (nous en tant que société) et nos réactions face à une victime constituent une barrière à la justice, à la restauration des femmes abusées et à la prévention de l’agression sexuelle.

La culture du viol, c’est un ensemble de comportements qui font en sorte qu’on banalise et même qu’on excuse les agressions sexuelles. On ramène la responsabilité de l’agression sur le dos de la victime, et on remet en question la parole de la femme. On utilise le corps des femmes comme si elles étaient là pour assouvir les besoins des hommes. On est vraiment en train de placer la culture pour excuser les agressions.

Pascale Parent (source : Radio-Canada.ca).

1. Cessons de culpabiliser les victimes

Il n’existe et n’existera jamais aucune raison bonne ou mauvaise de justifier une agression sexuelle. Ni la tenue de la victime, ni son comportement, ni son état d’ébriété, ni ses choix de vie, ni même sa profession ne sauraient justifier qu’une autre personne (dans la plupart des cas un homme) l’assujettisse par un quelconque moyen à ses propres désirs sexuels. Jamais aucune femme qui subit une telle violence ne sera responsable de ce qui lui est arrivé. Imputer à une femme la culpabilité de son agresseur revient à défendre ce dernier, à normaliser l’acte abject et abominable qu’il a commis « parce que quelque part, elle l’a bien cherché » ou « il ne fallait pas sortir à une heure pareille » ou « elle l’a provoqué avec cette tenue », ou encore « elle n’aurait jamais dû boire autant ». Ce sont des raisonnements absurdes et dangereux qui d’une part impose aux femmes un mutisme absolu, et d’autre part encouragent la perpétuation de la violence, nous exposant nous-mêmes à en être un jour les victimes. Par ailleurs, en tant que chrétiennes, lorsque nous répondons ainsi à une confession, nous échouons à manifester l’amour de Christ, mais nous présentons un caractère du diable, l’accusateur par excellence (Apocalypse 12.10).

Ne condamnez pas les autres, pour ne pas être vous-mêmes condamnés. Car vous serez condamnés vous-mêmes de la manière dont vous aurez condamné autrui, et on vous appliquera la mesure dont vous vous serez servis pour mesurer les autres.

Matthieu 7.1-2

2. Cessons d’assurer l’impunité de l’agresseur

Paradoxalement, alors que les femmes abusées vivent silencieusement dans la peur de leur agresseur et la peur du jugement des autres, les agresseurs eux vivent impunément, sans crainte d’un châtiment ni sur le plan légal ni sur le plan social. Puisque l’agresseur est impuni, non seulement il continuera d’écraser psychologiquement la victime, mais il pourrait aussi se permettre d’agresser d’autres femmes, vu qu’il sait qu’il n’y aura pas de rétribution. Il serait impossible de déconstruire la culture du viol sans faire retomber sur les agresseurs le châtiment de leur crime.

Ah ! jusques à quand rendrez-vous des jugements iniques et prendrez-vous le parti des méchants ? Faites droit au faible, et à l’orphelin, et rendez justice |au pauvre et au démuni.

Psaumes 82.2-3

3. Cessons de rechercher la victime idéale

La plupart d’entre nous ont des idées préconçues du comportement qu’une victime d’agression sexuelle devrait afficher. On l’imagine renfermée, timide, manquant de confiance en elle, dépressive, bref elle devrait nous inspirer de la peine voire de la pitié. En plus de ces séquelles psychologiques évidentes, elle devrait aussi porter des marques physiques de son agression (bleues, blessures, etc.). Et pourtant, le corps et le cerveau ont différentes manières de répondre face à une si violente et intolérable intrusion. Certaines victimes correspondent à ce profil, d’autres non. En effet, des victimes peuvent tomber dans la dépendance de substances, d’autres peuvent se laisser aller à des dérives sexuelles, d’autres encore peuvent ne pas afficher de séquelles visibles de leur trauma, etc. Il n’existe pas de profil type de victime ni de victime parfaite. Chaque personne vit ses traumatismes différemment et ne devrait pas avoir à s’en défendre.

Voici ce que déclare le Seigneur des armées célestes : Rendez des jugements conformes à la vérité, agissez les uns envers les autres avec amour et compassion.

Zacharie 7.9

4. Mythes vs réalités

La coulure du viol est également maintenue par des mythes tenaces qu’il faut absolument dénoncer et faire disparaitre pour avoir une chance de stopper les violences sexuelles. Ce sont entre autres :

  • Moi ou une de mes proches ne pouvons être victimes de viol. N’importe qui peut être victime d’une agression sexuelle, peu importe son style de vie, son origine ethnique ou sa classe sociale.
  • Les agresseurs sont toujours des étrangers.
  • La réalité est que dans plus de 80 % des cas, les agresseurs sont des personnes connues de la victime. Dans le cas des enfants, l’abuseur est bien souvent un membre de la famille : on parle alors d’agression sexuelle intrafamiliale.
  • Si la victime n’a pas dit non, c’est qu’elle voulait avoir un rapport sexuel. Sans consentement clair et sans équivoque des deux parties impliquées dans un rapport sexuel, on parle d’agression sexuelle. C’est qu’en effet, la victime peut se taire pour protéger sa vie, par peur que son agresseur ne se montre encore plus violent ou même parce que son agresseur occupe dans sa vie une place d’autorité.

Il n’existe aucun lieu, aucun contexte, aucune condition sous lesquels il est tolérable de porter atteinte à l’intégrité d’une autre personne. C’est et ce sera toujours à l’agresseur qu’incombe la responsabilité de maitriser ses pulsions sexuelles perverses. Aucune femme ne renie son droit à refuser un rapport sexuel sous prétexte de sa tenue, de son état d’ébriété, de ses fréquentations, etc. Il existe une pléthore de ces mythes en matière de viol, en voici d’autres relevés par le Gouvernement de l’Ontario.

Vous connaîtrez la vérité, et la vérité fera de vous des hommes libres.

Jean 8.32

Abus sexuel: oser briser le tabou 2

La position de Dieu sur l’agression sexuelle

L’agression sexuellel n’a rien à voir avec la sexualité, le don parfait de Dieu aux couples mariés. D’un point de vue humain, elle est considérablement plus répréhensible que la fornication ou l’adultère. C’est un acte qui a pour but de soumettre, par la force, la contrainte ou la manipulation, une autre personne à ses mauvais désirs.

La position de Dieu ne laisse aucune place à l’interprétation : l’agression sexuelle est un acte abominable que Dieu hait ; il va même jusqu’à comparer l’agresseur sexuel à un assassin.

Mais si c’est en pleine campagne que l’homme trouve la jeune fille fiancée et qu’il la viole, lui seul sera mis à mort. Vous ne ferez rien à la jeune fille, car elle n’a pas commis de faute qui mérite la mort. En effet, elle s’est trouvée dans le même cas que lorsqu’un homme attaque son prochain et le tue.

Deutéronome 22.25-26

Lorsque quelque chose d’aussi horrible qu’une agression asexuelle se produit, il est naturel d’être en colère et de se sentir perdu. Si en plus la victime est chrétienne au moment des faits, elle pourrait blâmer Dieu, l’accusant de ne pas l’avoir protégée. Bien que ce sentiment d’abandon soit tout à fait légitime, il ne faut pas oublier que Dieu n’est pas responsable du mal ; au contraire, il est l’orchestre de toutes bonnes œuvres et celui qui change le mal en bien. Celui qui est à l’origine du mal depuis la création du monde est le diable, c’est lui qui ne vient que pour voler, égorger et détruire.

Voici donc ce qu’il faut se rappeler si on a été victime d’une agression sexuelle.

Dieu est un Dieu de justice, il prendra soin de toi

Mes amis, ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : C’est à moi qu’il appartient de faire justice ; c’est moi qui rendrai à chacun son dû.

Romains 12.19

Tu n’es pas fautive, celui qui a commis l’abus sexuel est le seul coupable

Mais chacun périra pour son propre péché. C’est celui qui mangera des raisins verts qui en aura les dents agacées.

Jérémie 31.30

Dieu veut te revêtir d’un costume de louange, laisse-le te restaurer

L’Esprit du Seigneur, de l’Éternel, est sur moi parce que l’Éternel m’a consacré par onction pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres ; il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux déportés la liberté et aux prisonniers la délivrance, pour proclamer une année de grâce de l’Éternel et un jour de vengeance de notre Dieu, pour consoler tous ceux qui sont dans le deuil, pour mettre, pour donner aux habitants de Sion en deuil une belle parure au lieu de la cendre, une huile de joie au lieu du deuil, un costume de louange au lieu d’un esprit abattu. On les appellera alors « térébinthes de la justice », « plantation de l’Éternel destinée à manifester sa splendeur ».

Ésaïe 61.1-3

Dieu attend de ta communauté chrétienne qu’elle te soutienne

Si tu en as le moyen, ne refuse pas de faire du bien à celui qui est dans le besoin.

Proverbes 3.27

Dieu te purifie

[Christ s’est donné lui-même pour l’Église] afin de la conduire à la sainteté près l’avoir lavée par l’eau de la parole pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irréprochable.

Éphésiens 5.26-27

Dieu a toujours des projets de paix pour toi

Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance.

Jérémie 29.11

Comment répondre à une confession ?

Lorsqu’une personne abusée sexuellement se confie, ce qu’elle recherche en premier lieu c’est se sentir en sécurité, se sentir écoutée et réconfortée. Notre réaction et nos paroles face à une telle confession sont d’une grande importance pour la restauration de la victime. C’est une occasion de manifester l’amour et la compassion de Christ que nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer ni de manquer.

Prends le temps d’écouter sans bousculer ni juger

Sachez-le, mes frères bien-aimés. Ainsi, que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère.

Jacques 1.19

Pèse tes mots

Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche. Dites seulement des paroles utiles qui aident les autres selon leurs besoins, et qui font du bien à ceux qui vous entendent.

Éphésiens 4.29

Manifeste de l’amour et de la compassion

Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Oui, aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.

Jean 13.34

Accueille, accompagne et encourage

Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite : « Venez, vous que mon Père bénit. Recevez le Royaume que Dieu vous a préparé depuis la création du monde. En effet, j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli. »

Matthieu 25.34-35

Prie pour la restauration et la foi de la victime

Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ.

Galates 6.2

La culture du viol joue en faveur des coupables et rejette faussement et violemment la culpabilité sur les femmes. Ce manque d’impunité des agresseurs pousse les victimes à s’enfermer dans un mutisme complet et destructeur, ce qui accroît considérablement le taux d’agressions sexuelles puisque justice n’est pas faite. Nous (chacun d’entre nous, ensemble comme un seul homme) avons le pouvoir et la responsabilité de renverser la vapeur. Brisons dès aujourd’hui le tabou de l’agression sexuelle, accompagnons les victimes dans leur restauration de statut de victorieuses, et faisons briller par notre caractère la gloire de Dieu.

Quel mythe sur l’agression sexuelle as-tu cru à tort pendant longtemps ?

Sergine Clermont et Sammantha Thom

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