Les données rapportées par ONU Femmes indiquent que 736 millions de femmes dans le monde, soit environ une sur trois, ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime ou de la part d’une autre personne (soit 30 % des femmes de plus de 15 ans). Même si ces données permettent d’évaluer le nombre de victimes d’agressions sexuelles, elles ne représentent qu’une faible proportion de toutes les agressions sexuelles subies dans l’enfance ou à l’âge adulte. En effet, très peu des femmes qui demandent de l’aide signalent les violences qu’elles ont subies auprès des institutions officielles telles que la police et les services de santé. Tandis que certaines préfèrent se tourner vers leurs proches, d’autres choisissent de garder le silence parce qu’elles se sentent honteuses et coupables d’un crime dont elles ont pourtant été les victimes.
Honte et culpabilité : comment faire la différence ?
Bien que les deux sentiments semblent souvent aller de pair, il existe toutefois des différences entre la honte et la culpabilité. Il peut être utile pour la victime de savoir discerner ces deux émotions pour comprendre leur influence sur son raisonnement, les gérer, développer une relation positive avec elle-même et améliorer ses interactions avec les autres.
Habituellement, lorsqu’on se sent honteux, on a peur de ce que les autres pourraient penser s’ils apprenaient ce qu’on a fait ou subi. Les victimes d’abus sexuels ont souvent tendance à fuir le regard des autres, à s’isoler, à parler moins, à moins donner leur avis sur un sujet en public (puisqu’à leurs yeux, elles n’ont rien de bon à apporter aux autres). Beaucoup ont une envie forte de pleurer et de disparaître. La honte conduit à une faible estime de soi. On a le sentiment d’être un échec ou de n’être qu' « une bonne à rien ». On pense à tort qu’on ne vaut rien et l’on arrive parfois même à se dire qu’on a mérité ce qui nous est arrivé ou alors on ne se donne pas le droit d’espérer un avenir meilleur. Dès lors, il n’est pas inhabituel que la victime nourrisse une sensation de dégoût pour les hommes, mais aussi pour elle-même.
Alors que la honte est liée à une faible estime de soi, la culpabilité consiste davantage à se sentir mal pour ce qu’on a fait plutôt que pour ce qu’on est. On se sent coupable d’avoir fait quelque chose de mal ou d’illégal, d’avoir commis une faute, que celle-ci soit réelle ou imaginaire. Quand une victime se sent coupable de son agression, elle se sent totalement ou en partie responsable du crime qu’elle a subi. Elle se refait le scénario de son agression dans sa tête, se demandant comment elle aurait pu empêcher que le drame se produise. Elle regrette peut-être de ne pas avoir crié de toutes ses forces, d’avoir accepté l’invitation de l’agresseur à le suivre, de ne pas avoir parlé plus tôt, etc. Les « pourquoi » fusent dans ses pensées. Lorsqu’on ressent une culpabilité si forte, on a du mal à se pardonner à soi-même. On arrive même parfois à justifier, à tort, ce qui nous est arrivé comme si nous l’avions provoqué. On a l’impression que subir un châtiment divin ou se punir soi-même est le seul moyen d’être libéré de la douleur qu’on ressent. On est incrédule à la miséricorde et à l’amour de Dieu le Père, car on se sent condamné par lui, alors on fuit sa présence ou alors on l’approche timidement en lui demandant constamment pardon pour cette même « faute ».
Se sentir honteuse et coupable après une agression sexuelle : est-ce normal ?
Les émotions font partie intégrante de notre être. Dans les mots de la thérapeute américaine Suzan K. Thompson, ce sont « des signaux vibratoires dans notre corps et notre cerveau qui indiquent que quelque chose se passe […] en nous-mêmes ». Il est donc naturel de se sentir honteuse et coupable après une agression.
Pourquoi la honte ? Parce que l’agression sexuelle porte atteinte à l’identité et à la dignité de la victime, sans compter qu’elle la marque physiquement (lésions, ecchymoses, etc.) comme « souillée » (c’est du moins ainsi que la victime l’interprète). Les droits de cette dernière ont été violés, et ses valeurs transgressées. Son agresseur a eu accès à son intimité sans qu’elle le lui autorise. Méprisée et maltraitée, elle a été traitée comme un objet bon à jeter après utilisation. Il a détruit l’estime qu’elle avait d’elle-même avant l’agression. Elle est blessée au plus profond de son âme.
Comment donc comprendre qu’après avoir vécu un crime d’une violence si extrême, la victime se sente responsable de la méchanceté de son agresseur ?
Une expérience de psychologie portant sur la culpabilité, réalisée en 1966 et parue dans le Journal of Personality and Social Psychology, a conclu que pour se protéger, les sujets de l’étude (des femmes) qui avaient assisté à la « torture » d’une autre femme (qui était en fait une actrice), s’étaient en quelque sorte convaincus que la femme torturée méritait de recevoir des électrochocs parce qu’elle était probablement une mauvaise personne. Leur raisonnement allait comme suit : si la victime n’a rien fait de mal qui justifierait qu’on lui inflige cette souffrance, alors le monde est injuste et n’importe qui (même les « gens bien ») pourrait être victime d’une telle souffrance. Il est donc plus facile de se protéger de cette réalité en blâmant la victime.
Paradoxalement, c’est le même raisonnement qu’établissent la plupart des victimes d’agression sexuelle. Elles se disent que si elles détiennent une part de responsabilité dans ce qui leur est arrivé, alors elles peuvent changer quelque chose en elles, et ainsi se protéger à l’avenir. Sinon, cela signifierait qu’elles ne sont pas à l’abri d’une autre attaquem et c’est une réalité trop dure à accepter.
De surcroit, la culpabilité que ressent la victime est souvent une réaction émotionnelle à l’atteinte à ses propres valeurs, notamment l’intégrité, le respect, ou la pureté. Si la victime est chrétienne par exemple, elle peut se sentir faussement coupable d’avoir péché contre Dieu du fait « d’avoir eu des relations sexuelles » hors du cadre du mariage que Dieu a défini pour la sexualité. Il est donc important que la victime affronte et surmonte ce qu’elle ressent.
Comment surmonter le sentiment de honte et de culpabilité ?
1. Identifie et exprime la honte et la culpabilité
Tes émotions ne sont pas tes ennemies. Elles t’aident à mieux te comprendre. Pour ton bien-être, elles doivent être gérées et non refoulées. Les émotions négatives demandent une attention particulière, sinon elles peuvent te détruire de l’intérieur, et même nuire à ta santé physique (Pr 17.22), alors ne les étouffe pas. Reconnais que tu te sens mal et essaie de nommer chacune de tes émotions. Sens-toi libre d’en parler à Dieu, il comprend tes souffrances et désire t’écouter. Trouve un moyen de t’exprimer sans retenue : écris si tu aimes écrire, peins, dessine ou alors confie-toi à une personne mature et capable de t’écouter sans jugement et avec compassion, si tu te sens prête à le faire, etc. Le plus important d’une part, c’est que tu ne nies pas ce que tu ressens, car cela te permettra de te réconcilier avec toi-même. Et d’autre part, c’est que tu réalises dans ce cheminement que ce n’est pas parce que tu ressens une émotion, comme la honte ou la culpabilité, qu’elle est légitime.
Car si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses.
1 Jean 3.20
2. Replace-les sur celui qui les mérite : l’agresseur
Tu dois comprendre que tu n’as pas mérité de subir ce crime effroyable et que tu n’en es aucunement responsable. C’est ton agresseur qui a fait le choix de te faire du mal, lui seul est responsable des violences qu’il a commises, et ce peu importe le contexte et les circonstances dans lesquelles tu t’es fait agresser. Alors c’est à lui d’avoir honte de ce qu’il t’a fait subir et d’en être puni. D’ailleurs, Dieu juge qu’il est l’unique coupable et ne te condamne pas (Dt 22.26). Dis-le à ton âme, confesse-le à haute voix si cela est nécessaire. Tu n’as pas à te sentir coupable ni à porter le péché et le châtiment de quelqu’un d’autre.
Mais, malheur au méchant, cela tournera mal pour lui : il lui sera rendu selon ce qu’il a fait.
Ésaïe 3.11
3. Rejette les pensées accusatrices et la condamnation
Refuse les voix accusatrices qui animent tes pensées. Très souvent, le diable utilise nos pensées pour nous oppresser en nous rappelant nos fautes et en nous imputant une culpabilité qui n’est pas la nôtre. De plus, les pensées négatives peuvent affecter nos relations avec les autres (mauvaise interprétation des gestes et paroles de notre entourage) et nous empêcher de croire en l’amour de Dieu. Alors, lorsque tu as l’impression d’être jugée, sache que ce n’est pas Dieu qui te condamne. Notre Dieu est un bon Père qui a compassion de ses enfants ; n’hésite pas à lui confier ce que tu ressens et à laisser son Esprit transformer ton intelligence et purifier tes pensées. Confronte ces pensées accusatrices à ce que te dit la Bible.
Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ.
Romains 8.1
4. Arrête de te blâmer
Une personne victime d’un viol n’est jamais responsable de ce qu’il lui est arrivé. Tes sentiments te font peut-être croire que tu es responsable du crime dont tu es victime, mais c’est faux ! Tu as sûrement la sensation de ne pas être digne d’entrer dans la présence de Dieu, et que tu ne mérites pas son amour, mais ce qui doit te guider ce n’est pas ce que tu ressens, mais c’est la Parole de Dieu. Aucun de nous ne pourra jamais mériter l’amour de Dieu, et pourtant il nous aime si fort et si tendrement que rien ne pourra jamais nous arracher à lui : ni la mort, ni la vie, et certainement pas une agression sexuelle (Rm 8.38-39). Le Seigneur ne te blâme pas. De fait, Christ a porté ta honte sur la croix (He 12.2). Il est près de toi pour te consoler. Si celui qui t’a créée ne te condamne pas, qui es-tu pour te blâmer ? Ne regarde plus à toi-même, regarde à la croix et au prix payé pour toi.
[Jésus] a effacé l’acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous, et il l’a détruit en le clouant à la croix.
Colossiens 2.14 Puisque nous avons été déclarés justes en raison de notre foi, nous sommes en paix avec Dieu grâce à notre Seigneur Jésus-Christ.
Romains 5.1
5. Pardonne-toi
Pour pouvoir avancer, tu as besoin de te pardonner à toi-même. Regarde-toi dans un miroir et parle-toi à toi-même, en confessant que tu t’aimes et que tu décides de te pardonner. Le pardon est un processus, alors ne sois pas découragée s’il t’arrive encore d’être abattue même après cet exercice. Ne te fie pas à tes sentiments, car le pardon est une décision. Répète cet exercice autant de fois que tu en ressens le besoin.
Ne pensez plus au passé, ne vous préoccupez plus de ce qui est derrière vous. Car je vais faire du nouveau ; on le voit déjà paraître, vous saurez bien le reconnaître.
Ésaïe 43.18-19
6. Laisse Dieu restaurer ton image de toi
Cesse de vouloir tout contrôler. Confie au Seigneur tes peurs et tes inquiétudes. Lui seul te justifie (Ps 73.5). Décide de lâcher prise. Ne t’appuie pas sur ta sagesse ou tes propres forces, car tu es limitée (Pr 3.5). C’est seulement dans un état d’abandon total à Dieu que celui-ci pourra intervenir et te guérir. Alors que tu prends la décision de te décharger à ses pieds, tu pourrais mémoriser et confesser des versets bibliques sur ton identité en Christ. Plus ton oreille les entendra, plus ces vérités prendront racine dans ton cœur, car la foi vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend vient de la Parole de Dieu (Rm 10.17).
Je te loue d’avoir fait de moi une créature aussi merveilleuse : tu fais des merveilles, et je le reconnais bien.
Psaumes 139.14
7. Accède à ton statut de victorieuse
Tu ne peux pas changer le passé, mais tu peux gagner ou perdre l’avenir. Décide de sortir de ton statut de victime. En le faisant, tu fais preuve de courage; et non seulement tu démontres à ton agresseur (et au diable) qu’il n’a plus aucun pouvoir sur toi, mais tu choisis de te confier en ce Dieu qui t’assure que tu as été créée en Christ et choisie pour accomplir de bonnes œuvres, et que tu es prête à réaliser ce mandant en rejetant tout fardeau, toute accusation, tout « avantage » que t’apporterait le statut de victime (pitié, aide sociale prolongée, etc.). Certes, le processus de guérison peut être long et douloureux, mais refuse de demeurer dans la tristesse, l’impuissance et la passivité. Décide de mettre ta foi en Dieu et le laisser te transformer, alors que tu réapprends à te faire confiance et à prendre soin de toi.
Dieu nous a donné un Esprit qui, loin de faire de nous des lâches, nous rend forts, aimants et réfléchis.
2 Timothée 1.7
8. Fais-toi accompagner par un professionnel si nécessaire
Surmonter la honte et la culpabilité fait partie d’un processus de guérison et de restauration qu’il n’est pas toujours facile d’entreprendre toute seule. Si jamais tu as besoin de l’assistance d’un professionnel de la santé émotionnelle (thérapeute, intervenant en relation d’aide, psychologue, pasteur, etc.), n’hésite pas à en consulter un. C’est peut-être un sujet tabou dans ta communauté, mais il n’y a aucune honte à demander de l’aide pour se remettre sur pied. Sans aucun doute, Dieu te guidera vers le professionnel qui peut t’aider avec les outils appropriés, pour autant qu’il respecte ta foi.
Ami très cher, je souhaite que tu te portes bien à tous points de vue. Ta vie chrétienne est bonne, je souhaite que ta santé soit aussi bonne.
3 Jean 1.2
À toi, victime d’agression sexuelle, tu te sens sûrement honteuse parce que tu as l’impression d’avoir souillé ton corps et de ne plus être digne de recevoir l’amour du Père. En fait, c’est un mensonge suggéré par celui en qui il n’y a pas de vérité : le diable. La Vérité c’est que Dieu ne te condamne pas et il n’a jamais cessé de t’aimer. Ta valeur n’a pas changé. Confesse et crois que tu n’es pas coupable. C’est la méchanceté de ton agresseur qui l’a poussé à te faire du mal, cela n’a rien à voir avec toi. C’est pour la pleine liberté que Christ t’a affranchie. Avec la force que te donnera le Saint-Esprit, tu braveras assurément la honte et la culpabilité (Es 12.2), alors on ne t’appellera plus « victime », mais « victorieuse ».
Si tu désires te confier, écris-nous simplement à info@jeveillesurmoncoeur.com et nous prierons avec toi.